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30 ans d'Interreg: "Les options énergétiques ont un impact majeur sur la société." Entretien avec Céline Seince

Catégorie Gestion des projets approuvés

Cette année, Interreg fête son trentième anniversaire, en se concentrant sur trois thématiques d'intérêt pour la cohésion européenne: la jeunesse, une Europe plus verte et le voisinage. Dans ce cadre, chaque mois, nous interrogerons l'un de nos projets emblématiques liés à l'une de ces thématiques.

Ce mois-ci, nous avons discuté avec Céline Seince, coordinatrice RURENER, qui nous a présenté COLEOPTER et son processus participatif dans le domaine de l'efficacité énergétique en milieu rural.

  • Sur quoi porte COLEOPTER? Quel est votre rôle?

COLEOPTER vise à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments publics. Nous sommes 8 partenaires et je suis la coordinatrice de RURENER, qui est le chef de file du projet. Le projet est basé sur une approche collaborative appelée "approche Coleopter", entre partenaires français, espagnols et portugais et qui se base sur 3 éléments.

Tout d’abord, les dialogues territoriaux. Le projet rénove des bâtiments qui seront utilisés non seulement par la municipalité, mais aussi par d'autres utilisateurs que nous voulons impliquer dès la première étape, avant même que le plan de rénovation soit approuvé. Cet aspect social est très important car avoir un bâtiment efficace ne suffit pas pour être efficace. C'est un moyen de sensibiliser aux enjeux de l'efficacité énergétique.

Le second élément c’est l'utilisation de la technologie BIM (Building Information Modeling). Avec cette technologie, nous voulons encourager le dialogue sur la rénovation des bâtiments et partager les améliorations des bâtiments via une plateforme en ligne.

Enfin, nous avons une approche globale du bâtiment. D'une part, nous considérons l'efficacité énergétique et, d'autre part, le lien entre l'efficacité énergétique, l'eau et l'utilisation du bâtiment pour utiliser les outils et les ressources les plus appropriés.

  • Pourquoi avez-vous décidé de vous concentrer sur les zones rurales?

RURANET est un réseau de territoires ruraux, qui pense que l'énergie est un problème d’importance pour ces territoires. Quant à l'efficacité des bâtiments dans les zones rurales, il n'est pas rare que les bâtiments soient anciens et inefficaces. Cela a un impact économique sur la commune et les habitants qui y vivent souffrent d’inconfort. Par ailleurs, les zones rurales ne disposent pas des moyens financiers et techniques suffisants pour réaliser de rénovation énergétique dans les bâtiments. Par conséquent, il est important de répondre à ces questions dans les zones rurales où la communauté connaît généralement tous les bâtiments publics. De plus, nous voulions travailler localement car il est plus facile de regrouper tout le monde et d'avoir un projet qui fait sens pour l'ensemble du territoire. Dans les zones rurales, il y a une meilleure connaissance mutuelle et les valeurs sont différentes de celles des grandes villes où les gens vont et viennent tout le temps.

  • Pourquoi avez-vous décidé d'impliquer la communauté locale?

Suite à l’évaluation des projets antérieurs, nous avons constaté que certains bâtiments avaient un processus de construction très coûteux, mais ont ensuite été mis de côté. De plus, nous notons que les populations locales veulent s'impliquer davantage dans la vie locale. C'est donc un moyen de faciliter la compréhension mutuelle entre les représentants politiques et les utilisateurs pour construire un projet utile et transparent.

  • Comment l'administration répond-elle aux dialogues avec les citoyens? Avez-vous constaté un changement de comportement?

Nous avons constaté que les représentants politiques craignent souvent d'être jugés par les citoyens. Avec cette approche territoriale, on voit que chacun se sent au même niveau dans le dialogue, qu'il y a un climat de confiance et que l’enjeu est mieux compris. La confiance est très importante pour la continuité des projets et c'est ce que nous faisons avec COLEOPTER. Jusqu'à présent, nous avons reçu des commentaires très positifs de toutes les personnes impliquées dans le dialogue.

  • Les politiciens sont-ils prêts à jouer le jeu?

C'est une bonne question! Jusqu'à présent, les résultats ont été très bons. Même si, en général, il n'y a pas une très bonne perception des processus participatifs par les élus, l'approche de dialogue que nous proposons ne remet pas en cause l'autorité municipale. Ce que nous remettons en question, c'est le processus de construction d'un projet et cela rassure les élus qui sont ceux qui décident. Et pour avoir un plus grand grand impact, il vaut mieux qu'ils travaillent en coopération avec la population locale. Cela réduit également les risques de conflits et de tensions sur le territoire et, bien entendu, il ne faut pas oublier que les élus sont intéressées à participer à des projets d'intérêt pour tous. Il y a donc un réel intérêt et je pense que cela vient en partie du fait que le processus est très transparent, du début à la fin.

  • Comment se déroule ce processus?

La chose intéressante à propos de ce processus c’est qu'il est flexible et suit une voie progressive.

En premier lieu, nous avons rencontré les personnes en charge du projet avec lesquelles nous travaillons (dans notre cas, la municipalité) pour expliquer comment ce processus fonctionne et décider quelles personnes devraient être incluses dans le dialogue. Ensuite, nous avons réfléchi à quelles personnes impliquer et nous avons organisé des entretiens avec ces groupes d'intérêt: l'un avec la municipalité et l'autre avec les techniciens. Cette partie préliminaire nous a permis d'avoir un aperçu global de la situation sur le territoire.

En deuxième lieu, nous organisons une réunion où nous écoutons les besoins de chacun concernant le bâtiment et nous nous assurons que tout le monde autour de la table comprend les besoins des autres. C'est très important car grâce à cela, nous pouvons dresser un état de l'art et des différents points de vue partagés. C'est quelque peu différent des autres projets qui n'ont qu'une seule vision. Ensuite, nous validons collectivement cette vision partagée et travaillons à trouver des solutions aux besoins qui ont été exprimés, en gardant à l'esprit que certains aspects ne sont pas négociables (par exemple, le budget ou les bâtiments du projet).

L'étape suivante consiste à choisir les meilleures solutions pour le plan de rénovation qui est le principal résultat de ce processus de dialogue. Cependant, dans chaque bâtiment de démonstration, il existe également un autre résultat qui dépend de l'usage originel du bâtiment. Par exemple, en France, le bâtiment choisi est une crèche et au cours du processus de dialogue, un programme éducatif sera également créé. Dans tous les cas, nous concluons le processus de dialogue avec des produits très spécifiques. Ces produits finaux seront validés au niveau politique par la municipalité et une fois ce processus terminé, la municipalité rendra publique la décision finale.

Dans une phase finale, les personnes impliquées dans le dialogue créeront un comité de suivi pour suivre l'ensemble du processus de construction. En cas de problème, le comité de suivi peut être consulté pour faire face à la situation.

Finalement, une fois le projet terminé et le bâtiment construit, il y aura un événement à la fois pour l'ouverture du bâtiment et pour fêter le succès du processus participatif.

  • Comment développez-vous ce processus au niveau transnational?

Nous travaillons dans 4 bâtiments de démonstration en France, en Espagne et au Portugal, mais de différentes manières. En fait, les bâtiments, les défis locaux et les groupes d'intérêt ne sont pas les mêmes. L'idée est de comparer l'évolution du processus participatif dans chaque cas, afin d'identifier des facteurs de dialogue à succès qui peuvent être d’ailleurs très triviaux, comme par exemple les facteurs culturels. L'histoire nous montre que dans le sud de l'Europe, il y a eu des processus de démocratie participative, mais qu'ils n'ont pas toujours été positifs. Par conséquent, il est intéressant de comparer la façon dont les gens perçoivent cette approche.

  • En quoi ce projet est-il différent des autres?

Ce qui est très intéressant, c'est que nous ne considérons pas les aspects techniques et sociaux séparément. Le domaine de l'énergie est souvent considéré comme un domaine purement technique, mais en réalité ce n'est pas vrai car les choix énergétiques ont un impact direct sur la société. Ce que nous faisons, c'est combiner des outils technologiques et des éléments sociaux, en particulier une expérience de l'efficacité énergétique et de l'eau. Ensemble, ces 3 éléments rendent le projet spécial, compte tenu également de l'expérience de tous les partenaires et de l'apprentissage mutuel.

 

Merci Céline!

 

©Pictures: Courtesy of Céline Seince

 

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